LA FABRIQUE DU NOUS #1 - QUELS TERRITOIRES ? / DES VOIX TRAVERSÉES
Après Quels territoires ? présenté du 3 mars au 30 avril dernier, l’Institut d’art contemporain, URDLA et leurs voisins (La MLIS, Le Rize, Le TNP, etc.) poursuivent La Fabrique du Nous avec un second volet, intitulé Des voix traversées.Toujours sur un même principe, cette manifestation, présentée dans le cadre de Villeurbanne 2022, Capitale française de la culture, s’articule autour d’une exposition à l’IAC et URDLA et de fabriques (marches, chants, danses, lectures etc.) programmées dans l’espace public et hors du lieu traditionnel de l’exposition.
Avec l’objectif de créer du lien, de la rencontre, du partage avec les artistes et la puissance sensible de leurs imaginaires, ce projet est une invitation à se retrouver autour de moments d’échange et de partage pour (re) construire ce nous.
Au-delà d’une adresse aux habitantes et aux habitants, La Fabrique du Nous s’inscrit aussi dans le droit fil des réflexions portées par le Laboratoire espace cerveau qui entre dans un nouveau cycle : Comment habiter des mondes cosmomorphes ? Cette recherche d’une cohabitation en équilibre entre les éléments du vivant sous- tend la réflexion sur un nous malmené et fragilisé et sur la nécessaire invention de nouvelles manières de faire ensemble et en commun.
Avec (ces) Voix traversées, il est question d’écouter et de faire entendre des « nous » par nature polyphoniques et de faire résonner des voix, à la fois surfaces de rapport à l’autre et au monde, surfaces de contact et d’affection mais aussi d’expression ou d’interpellation.
EXPOSITION À L'IAC du 4 juin au 31 juillet
Pedro Barateiro, Anna Barham, Maxime Bondu & Simon Ripoll-Hurier, Paulien Boudry & Renate Lorenz, Cindy Coutant, David Douard, Chiara Fumai, Jérôme Grivel, Anna Holveck, Anne Le Troter, Hanne Lippard, Fallon Mayanja, Angelica Mesiti, James Richards, Christine Sun Kim & Thomas Mader, Mona Varichon
EXPOSITION À URDLA du 4 juin au 24 juillet
Maxime Bondu & Simon Ripoll-HurierEn savoir + sur l'exposition Des voix traversées à URDLA
& LES FABRIQUES AVEC LES ARTISTES du 4 juin au 2 juillet
→ Samedi 4 juin : Fabriques du lancement
À URDLA - Maxime Bondu & Simon Ripoll-Hurier, The Call
Devant le TNP, Place Lazare-Goujon - Pedro Barateiro, My body, this paper, this fire
À l'IAC - Anna Holveck, Singin’In
À l'IAC - Fallon Mayanja, Sensing Satellite
→ Samedi 11 juin :
De l'IAC à URDLA - Balade du Nous
À l'IAC - Fabrique avec Mona Varichon, Bribes de mémoire(s) de Villeurbanne
→ Samedi 18 juin :
Place Lazare-Goujon - Fabrique avec Jérôme Grivel, Occurence / Comme un·e
Au Parc du Centre / Le Ferme des Artisans - Fabrique avec Clarissa Baumann, Passarada
→ Samedi 25 juin :
À l'artothèque de la MLIS - Fabrique avec Célia Gondol, O Universo Nu
→ Samedi 2 juillet :
À l'IAC - Fabrique avec Violaine Lochu, W Song
DES VOIX TRAVERSÉES
De la parole au chant en passant par le cri ou le mutisme, la voix se manifeste à travers différents modes d’apparition et degrés d’intensité qui dessinent des espaces relationnels, des zones de contact à géographie variable au sein desquelles des corps, humains comme non-humains, ne cessent d’interagir et de s’affecter mutuellement. Mécanisme physique autant que phénomène culturel, politique et technologique, elle permet de se projeter dans l’espace et dans le temps, d’émettre au-delà des frontières imposées par la chair et la matière. Live ou enregistrée, incarnée ou désincarnée, altérée ou empêchée, elle constitue une adresse en attente de réponse, une situation potentielle d’écoute et d’échange.Une bouche murmure dans le creux d’une oreille. Combinant anonymat et secret, l’image, aussi tacite qu’éloquente, interroge à mesure qu’elle circule et se multiplie, rejouant ainsi le caractère viral (et déformant) de la rumeur qu’elle évoque. Manifestations, chorales amateurs, groupes de lecture ou de parole collective : une multitude de voix, à la fois singulières et plurielles, s’entrecroisent et se superposent, générant une polyphonie aux accents poétiques et politiques.
Ailleurs les corps sont mis à distance, reliés par des dispositifs de (télé)communication qui véhiculent, par l’intermédiaire d’ondes, de câbles sous-marins, de réseaux satellitaires et d’antennes relais, timbres et intonations familières, rassurantes, désirées et désirantes, toute une présence orale chargée d’affect(ion)s complexes et ambivalent(e)s.
Il arrive que le message s’altère, que l’émission ou la réception soit mauvaise, que le logiciel de reconnaissance vocale trébuche sur un accent ou une prosodie particulière, que l’écho d’une réverbe ou les réglages d’Auto-Tune distordent nos expressions. Si la voix est souvent considérée comme la signature sonore propre à un individu, la maladie, les technologies, le contexte social et psychologique sont parfois à même d’agir sur elle, de la troubler ou de la casser, de révéler son caractère pluriel et instable, sa mutabilité comme sa fragilité.
Médiatisée ou non, la voix humaine apparait en négociation permanente avec le langage. Aux énonciations claires et construites, porteuses de sens, aux vocalisations prélinguistiques du babil enfantin, aux bafouillements et ratages de la cible articulatoire, s’adjoint un large registre de souffles, de cris, de bruits physiologiques, de gestes précis et signifiants, d’icônes post-text popularisées par les nouvelles technologies pour exprimer schématiquement nos sentiments. Autant de moyens (non) verbaux qui nous font envisager la voix comme un phénomène tour à tour — et parfois simultanément — sonore, gestuel et visuel nous permettant de communiquer, de se connecter à l’autre, au monde qui nous entoure et d’observer la potentialité de rapprochements et d’hybridations interspécifiques, outre-tombales, voire extraterrestres.
Chargé d’autres voix qu’il est susceptible de porter ou de relayer, le larynx fait vibrer la transversalité des identités, la porosité des milieux, l’intrication de l’intime et du collectif, laissant ainsi poindre, sous les apparats du je, la coexistence d’un nous. Longtemps passées sous silence, minorées, certaines se font entendre à nouveau, remettant ainsi en circulation d’incontournables pans d’une histoire politique et sociale collective, de luttes portées par des communautés dominées par les logiques néolibérales, coloniales et hétéropatriarcales. Ces voix sont convoquées, reprises et incorporées par l’artiste même, rejouées par d’autres ou remixées au sein de compositions sonores. S’il peut être un signe d’oppression, le silence fait aussi figure d’acte de résistance comme de révélateur d’un environnement sonore ambiant, empli de voix qui peinent à se faire entendre.
Jouant de la résonance entre les corps, les lieux et les êtres, Des voix traversées propose, d’un espace l’autre, de traverser des voix et de nous laisser traverser par elles, temporairement ou durablement.