né en 1962 à Paris (France)
vit et travaille à paris et À New York (États-Unis)
Né en 1962, Pierre Huyghe est une des figures les plus marquantes de l’art français et international des années 1990, appartenant à une génération d’artistes (à l’instar de Philippe Parreno et Dominique Gonzales-Forster) longtemps rattachée au concept d’ « esthétique relationnelle », forgé par le critique d’art Nicolas Bourriaud. Pierre Huyghe étudie de 1982 à 1985 à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs à Paris, et à sa sortie, il co-fonde le collectif « Les Frères Ripoulin », avec notamment Claude Closky et Nina Childress.
Exposé à travers le monde dans les plus importantes institutions (MAMVP à Paris, Guggenheim de New York, Musée Reina Sofia à Madrid entre autres), ainsi qu’à la Biennale de Venise (où il obtint en 2001 le prix spécial du jury pour son Pavillon Français), Pierre Huyghe a également participé récemment à la prestigieuse treizième documenta de Cassel (2012). Du 25 septembre 2013 au 6 janvier 2014, le Centre Pompidou, Paris, lui consacre une exposition à caractère rétrospectif qui présente une cinquantaine de ses projets depuis plus de vingt ans. En 2017, il est le premier français à recevoir le Nasher Price (Nasher Sculpture Center) : « Sa vision expansive de la sculpture incarne le but du Prix Nasher, qui souhaite défendre les plus grands esprits artistiques de notre temps. Son intégration de systèmes vivants, films et objets dans sa sculpture met en évidence les complexités entre l’art et la vie et remet en question les limites mêmes de la création artistique1 ».
Issu d’une génération dont le cinéma a fortement imprégné l’imaginaire et la mémoire collective, Pierre Huyghe utilise à ses débuts le médium vidéo pour dévoiler les processus de création d’une fiction en réemployant les codes narratifs en vigueur dans certaines productions culturelles dominantes, comme le cinéma.
Remake (1994), sa première œuvre marquante, est ainsi un home movie reprenant plan par plan le film Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock, tout en délocalisant son intrigue dans un immeuble H.L.M. Plus tard, en 2000, il réalise The Third Memory où il invite John Wojtowicz, le protagoniste réel du fait divers (le hold-up raté d’une banque) qui a inspiré le film de Sydney Lumet, Une après-midi de chien (1976), à rejouer son propre rôle dans le décor factice d’une banque. Le temps est également au centre de sa démarche, que ce soit dans ses vidéos (apparaissant comme le lieu d’imbrication de multiples temporalités), à l’intérieur même de l’exposition (pensée comme un médium) que lors de projets plus ponctuels, comme lors de la fondation de l’ « Association des Temps Libérés » (1995), où avec plusieurs artistes il crée un calendrier des jours non fériés. Une autre collaboration célèbre avec Philippe Parreno mène les deux artistes à acheter en 1999 les droits d’un personnage féminin de manga nommé Ann Lee à un studio de graphisme japonais. Ainsi soustraite à son environnement audiovisuel d’origine, elle devient l’héroïne du projet global « No ghost, just a shell » (achevé en 2003 au Van Abbemuseum de Eindhoven) : une série de films courts, parfois confiés à d’autres artistes, tentant de donner présence et vie à ce personnage de fiction.
Si Pierre Huyghe réalise essentiellement des films (par ailleurs co-créateur de la société de production Anna Sanders Film avec Dominique Gonzales-Forster et Philippe Parreno), l’artiste se perçoit davantage comme un « initiateur d’événements » dont le médium vidéo semble le plus à même d’en restituer l’expérience et la singularité. Ainsi, il a créé une célébration populaire à l’intérieur d’une ville nouvelle aux Etats-Unis destinée à être rejouée chaque année telle une partition (Streamside days, 2003) ; il a embarqué dans un bateau pour l’Antarctique dans l’Expédition Scintillante (exposée à Bregenz en 2002) dont une multitude d’objets (musique, spectacle lumineux, vidéos) en traduisent l’expérience ; ou encore il a organisé une série de trois événements au Musée des Arts et Traditions Populaires (lors de Halloween, de la Saint-Valentin et de la Fête du Travail) dont la vidéo hors-norme The Host and the Cloud (2009-2010) a enregistré le déroulement tout en opérant une forme de rétrospective de son propre travail. Chacun de ses projets témoigne d’une attention particulière portée à la culture populaire et au folklore, en mettant en jeu des processus de création qui importent tout autant que l’œuvre et traduisent in fine le pouvoir de la fiction à modifier le réel.
Plus récemment, c’est à la fondation LUMA d’Arles que l’artiste présente After Uumwelt en 2021, installation pensée dans la continuité d’Uumwelt exposée à Londres en 2019. Entre intelligence artificielle et organismes vivants, la Grande Halle du Parc des Ateliers d’Arles a pu prendre l’allure inquiétante d’un futur spectral. Ce récent projet fait également écho aux expositions After Alife Ahead (Münster en 2017) et Living Cancer Variator (au sous-sol du Palais de Tokyo en 2016). Microcosmes des ravages de l’anthropocène, ces installations ont pu mêler organismes vivants (cellules HeLa, mouches, araignées, souris, visiteurs, etc.) et minéraux (terre, cailloux, poussière, flaques, etc.), constituant un milieu troublant dans lequel représentation et disparition, vie et mort, se côtoient. Outre la dimension fictive et immersive de ces projets, Pierre Huyghe s’intéresse tout particulièrement au renversement des processus de création et d’expositions de ses œuvres :
« Quand ce qui est fait n’est pas seulement dû à l’artiste en tant qu’opérateur, le seul à gérer des intentions, mais plutôt à un ensemble d’intelligences, d’entités biotiques ou antibiotiques, hors de portée humaine et que la situation présente n’a pas de durée, n’est adressée à personne, est indifférente, alors à ce moment-là, peut-être, le rituel de l’exposition peut s’auto-présenter2 ».
1 connaissancedesarts.com/depeches-art/lartiste-francais-pierre-huyghe-laureat-du-nasher-prize-2017-1153238/
2 https://www.serpentinegalleries.org/whats-on/pierre-huyghe-uumwelt/. Extrait de la conversation entre Pierre Huygue et Hans Ulrich Obrist en 2018 (https://www.youtube.com/watch?v=emYOOVRzG8E). Traduction du rédacteur